L’écriture inclusive : le combat pour l’égalité ou une illusion culturelle ?
À la préface du Manuel élémentaire de droit civil de 1884, vous pourriez lire : « nos pères appelaient rudiment un abrégé de grammaire… » L’ancêtre est androgène, une référence masculine et virile. Des obligations propres à chaque époux, le mari doit la protection et la femme l’obéissance. Elle avait même * »l’obligation de suivre son mari partout où il réside »*¹.
132 ans plus tard, lorsque je tins en bon père de famille² ma fille pour la première fois dans mes bras, passé le laps de temps à scruter cet être qui lui-même me fixait du regard, je me fis la réflexion suivante : « À travail égal, ton salaire sera inférieur de 24 % à celui d’un homme. »
Un songe réaliste du chemin qui reste à parcourir, mais encore faut-il s’apercevoir que * »Les aventures d’Alice au pays des merveilles »*³ ne sont qu’une fiction.
En 1867, Louis II⁴ se présenta à Paris afin d’assister à l’Exposition Universelle. Alors que le constructeur prussien Krupp présentait le tout nouveau canon en acier se chargeant par la culasse, Napoléon III invita le roi de Bavière au château de Pierrefonds, fraîchement rénové par Eugène Viollet-le-Duc en 1863. Cette vision pittoresque inspira le roi pour construire le château de Neuschwanstein, qui allait illuminer quelques années plus tard l’esprit de Walter Elias Disney — et donc plusieurs milliards de femmes et d’hommes sur Terre.
Mais les rêves d’exploits galopants du précédent Empire n’ont pas été altérés par la charge sacrificielle des cuirassiers à Reichshoffen, le 6 août 1870. La société humaine avait évolué alors que le désastre de Sedan approchait.
Le réveil fut brutal mais nécessaire. Encore faut-il s’affranchir du passé.
L’écriture inclusive, cheffe de la milice céleste des anges du Bien, est alors présentée par les un.e.s comme une « arme d’égalité » et par les autres comme un * »péril mortel »*⁵.
La langue française est-elle une arme d’exclusion massive de la femme ?
* »La femme n’est pas assez visibilisée dans le milieu politique. Ne pas écrire inclusif, c’est écrire de manière stéréotypée. »*⁶ Belle vision manichéenne, sans doute inspirée de l’évangile * »celui qui n’est pas avec moi est contre moi »*⁷ — ou alors de Dark Vador s’adressant à Obi-Wan Kenobi dans La Revanche des Sith⁸.
Mais écrire de manière inclusive, c’est aussi rejeter l’étranger de la francophonie ou le dyslexique.
Pour les esprits moraux, la langue n’a pas de sexe.
Ne pas faire le choix entre la peste et le choléra est-il une façon de revendiquer sa non-binarité ?
Pour citer Pythagore : « Il y a un principe bon qui crée l’ordre, la lumière et l’homme. Il y a un principe mauvais qui crée le chaos, les ténèbres et la femme. » Le calcul du carré de la longueur de l’hypoténuse est-il un acte engagé ? Ce n’est pas la forme qui exclut, mais le fond.
Devrions-nous comprendre l’exclusion des hommes dans l’expression « les femmes et les enfants d’abord » hurlée dans La Tour infernale⁹ ? Faut-il voir dans la foule s’approchant de la Bastille une nuée de femmes ?
La langue française devient alors une arme culturelle au service du militantisme féministe.
En étudiant le discours de Simone Veil sur l’avortement¹⁰, nous constatons qu’elle aurait dû y ajouter des points médians, des mots épicènes ou des pronoms neutres. Sous ce prisme, le texte est tout aussi choquant que la publicité Manpower diffusée dans les années 1980, dont le slogan était : « On a parfois besoin d’autres hommes pour réussir, ensemble. »
Seuls les hommes bravaient l’interdiction pour aider les femmes en détresse et ne pas les « rejeter dans la solitude » ?
Personne n’y avait pensé. Pourtant, avant d’espérer la loi sur l’écriture inclusive, le 17 janvier 1975, la loi légalisait l’avortement.
La ministre de la Santé a su faire évoluer les mentalités, forcer au travail d’introspection afin de modifier la perception du monde.
Rose-Marie Lagrave évoque « la honte sociale », cette appréciation sclérosante de l’ascension et des ambitions :
* »Pour une transfuge de classe, il faut au contraire rassembler toute une série de ressources et d’alliés d’ascension pour parvenir à passer les ornières. Je ne m’efface pas, j’ai été portée. »*¹¹
Le combat herculéen est de sortir du château féérique, d’une vision zemmourienne où la femme n’aurait pas de place dans la société, hormis celle du foyer.
Les nostalgiques des armées de l’Empire, préparez-vous à voir ma fille s’affranchir des chaînes du passé.
Nous sommes tous membres de la famille humaine¹².
Richard Wetzel, Avocat Associé
¹ Manuel élémentaire de droit civil par E. Colmet de Santerre, professeur à la faculté de droit de Paris – 1884 – Édition Plon.
² L’expression « en bon père de famille » a été supprimée par la loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
³ Roman publié le 4 juillet 1865, par Lewis Carroll.
⁴ Louis II, roi de Bavière, né Louis Othon Frédéric Guillaume de Wittelsbach, à ne pas confondre avec Louis II dit « le Bègue », roi des Francs de 877 à 879.
⁵ Position de l’Académie française, créée en 1635, qui accepta Marguerite Yourcenar, première femme, en 1980.
⁶ Propos de madame Hélène Binard, Le Figaro, mercredi 24 février 2021.
⁷ Matthieu 12 :30.
⁸ La Revanche des Sith, film de George Lucas (2005).
⁹ La Tour infernale, film de John Guillermin (1975).
¹⁰ Discours du 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale, Simone Veil est alors ministre de la Santé.
¹¹ Entrevue de madame Rose-Marie Lagrave, sociologue, Libération du 6-7 mars 2021.
¹² Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde — Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.