La quête des étoiles : entre reconnaissance et contrôle
Quelle est donc cette lutte à vouloir décrocher les étoiles ?
N’avez-vous pas l’impression d’être soumis à une course effrénée aux commentaires, à l’appréciation plus ou moins réfléchie, à identifier le bon guide qui vous aidera à choisir objectivement et sans la moindre arrière-pensée commerciale ?
Les étoiles sont partout. Sur un drapeau, sur le maillot d’un sportif, dans le logo d’une marque de voiture ou de bière, ou encore sur une société de production cinématographique qui vient de lancer son propre service de streaming.
L’étoile est un repère, à l’instar de l’étoile polaire qui a guidé les navigateurs pendant des siècles. Mais elle est aussi un symbole chargé d’histoire et de douleur. Elle rappelle le sceau de l’infamie marqué sur les suppliciés d’Auschwitz. Elle peut représenter la fusion nucléaire ou encore la flamboyance du Ritz.
Un symbole de richesse, un gage de sérieux et une preuve de réussite.
Les étoiles ont désormais envahi nos vies numériques. Les notations, les commentaires et les avis définissent aujourd’hui la réputation d’une entreprise ou d’un professionnel. Google MyBusiness (GMB) est devenu l’un des outils les plus puissants dans ce domaine, servant de vitrine à chaque professionnel, parfois à son insu.
Le 15 septembre 2022, le Tribunal judiciaire de Chambéry a condamné Google France, Google LLC et Google Ireland Ltd à supprimer la fiche Google MyBusiness d’une dentiste. Elle y avait découvert, sans son consentement, son nom, son adresse, une notation et une série d’avis concernant son activité professionnelle.
Le tribunal a considéré que le traitement de ces données violait le droit à la protection des données personnelles, malgré l’argument de Google selon lequel ce traitement correspondait à un intérêt légitime ou au droit à l’information du public.
Cette décision met en lumière la complexité de la gestion de la réputation en ligne. La combinaison d’un annuaire professionnel et d’avis publics place le professionnel dans une position délicate : il est contraint de nourrir un système commercial profitant de son travail et de sa visibilité.
Une fiche Google MyBusiness poursuit en réalité une finalité commerciale cachée. Elle engage le professionnel dans un processus de captation de données et d’exploitation commerciale de sa notoriété, sans son consentement explicite.
Cette jurisprudence n’est pas la seule en la matière, mais elle ouvre une brèche intéressante dans la protection des professionnels face à la domination des plateformes numériques.
Cette quête des étoiles reflète une tension permanente entre visibilité et contrôle. D’un côté, l’étoile est le symbole de la réussite, de la reconnaissance et de la réputation. De l’autre, elle est une prison numérique dans laquelle chaque professionnel est tenu de répondre aux règles imposées par les plateformes numériques.
Il est désormais possible de revendiquer une certaine maîtrise sur son image et sa réputation en ligne, mais le chemin est semé d’embûches.
Dans un monde où l’image vaut de l’or, il ne faut pas oublier que, parfois, une petite étoile veille toujours sur vous.
Richard Wetzel, Avocat
